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ночь

24 janvier 2009

. . ; dans la base arrière où tu t’écris très

.

.

;

 

dans la base arrière
où tu t’écris très souvent
c’est transparent l’hiver
et bleu foncé l’été

avec ta langue
tu as fabriqué
du miel pour la petite fille
d’une autre russe

partout il y a du fil
barbelé rouge
avec du fer autour
électrifié

c’est
très très
violent

ça forme peu à peu
une goutte sur la peau
une cloque ouverte
un récipient creux

un visage hors du temps

un caillot noir de sang
perlé avec rien au bout
ressemble
à la forme triangulaire
d’un carré   
pour satisfaire sa forme

chaque jour il faut
dépouiller concasser
sortir vider du russe
jour et nuit
toute la journée
de son enveloppe
de sa substance
sans interruption

il y a une petite cour installée
pour faire un dernier adieu
à la mémoire collective
des russes

il y a des grands fantômes
qui marchent dans la nuit
un vieil homme
prend conscience
qu’il peut écrire
de la main gauche
des poèmes

son visage est devenu
transparent pendant
quelques secondes

un vieil homme est mort
en écrivant de la main gauche
des poèmes sur d’autres paupières

il faut dépouiller concasser   
sortir vider du russe
toute la journée
à l’infini   

il y a des chants
des cantiques
des images
qui  reviennent
jour et nuit

c’est la description
d’une chambre ensoleillée
qui  revient le plus souvent
dans la mémoire collective
des russes
avec des mots trempés
dans une flaque
de nacre excessivement belle
la nuit avec ses quartiers orange

il faut quarante deux jours
pour cultiver une rose
il faut 54 minutes
pour anéantir du russe
   
en gras il est marqué
sur la peau des russes
un code barre secret
de bonne conduite
sur les parties génitales   
sur l’avant bras
le cuir chevelu
la cuisse

il faut de la nouvelle peau tendue   
pour recouvrir toutes les lampes
qui fonctionnent avec de l’huile

quand tu n’existes plus
tu es partout

tu es dans de l’air frais
très compliqué à respirer   
tu es dans l’eau gelée
tu es dans la terre brune
tu es dans l’anus
d’une fleur disparue

tu es dans une flaque
de pisse jaune

on dirait des petites vagues
successives  sur la lande
comme de la vapeur blanche
avant qu’elles ne disparaissent
complètement de ta vue   

quand tu n’existes plus
tu es partout

tu es dans le soleil
dans le givre
dans une chanson
dans une porte   

tu es dans le dernier train
dans un camion
dans un lac
dans des feuilles rouges
dans la rose bleue
dans des prières
dans des cantiques

quand tu n’existes plus
tu es partout

tu es dans une pochette plastique
tu es dans une espèce
de recherche apparente
dans un corps nu
fatigué d’auto-flagellation
tu es dans un univers
que tu ne contrôles plus
que dans le corps d’un autre
poussé dans le vide

un appel d’air   

il y a une longue liste sale
dressée dans la distance
d’une cour annexe
qui forme un tout
   
un triangle
sans attache
sans armure
et sans lumière

cette longue liste sale
a été soigneusement rédigée    
sur la banquette arrière
d’un taxi blanc
dans une langue étrangère
que tu ne connais pas
encore

une langue étrangère
qu’il faudra réciter
dans un commissariat de police
caniculaire
saumâtre
et bleu

tu écris de la main gauche
une dernière lettre à ton père   
peut-être mort aussi
dans un autre camp voisin
d’amibes aiguës
de froid de contagion   
   
où les murs se touchent
où les portes se détachent
avec des paravents lustrés   
des mouches à merde
terriblement vivantes
et atterrées

cette longue lettre
que tu viens d’écrire
de la main gauche sera lue
par ton père à voix haute   
dans l’obscurité la plus totale
dans quatorze mois
et 12 jours

ton père sera transféré
dans sa nouvelle prison + à l’est
dans le même genre
de cellule que l’autre

il y a des manteaux gris qui flottent
dans la nuit trébuchante
contre des blocs sanitaires
dans lesquels
il y a des russes entassés
qui cohabitent ensemble
jour et nuit

il y a des femmes
des hommes et des enfants
qui attendent leur tour
dans des tourelles argentées   
étrangement sourdes et silencieuses

des organes féminins
sont en train de sécher

il y a une mécanique
sur l’horreur
une bande annonce
saisissante sur l’horreur

une 125 est là abîmée   
depuis le premier
jour de garde   

tu dis
qu’ils ne ressemblent plus à rien
les russes
qu’ils sont maigres
et dépouillés
de toute ivresse
de tout désir

les russes
ils tiennent à peine debout
sur des grands chariots
métalliques en bois
le vent les disperse
le vent les fait toujours tomber
comme des mouches mortes
silencieuses
hébétées   

c’est le décalage permanent
de la douleur sur la diarrhée   
des maladies de peau
infectieuses affectent
le corps des russes

ils n’ont plus peur
les russes
ils savent depuis longtemps
qu’ils vont mourir

les russes se pissent dessus
comme des enfants
et lèchent leurs mains
jusqu’à la ceinture

les russes n’ont que la peau sur les eaux   
nécessaire quand il est encore possible
de maintenir sur eux
l’équilibre et la dernière lumière du ciel
un jour sur 2

c’est la nuit qui les maquille   
le froid et le manque de nourriture
qui dominent tout ici
comme une attraction finale
terrestre et sans retour
sur un langage perdu

c’est la mémoire effacée
de tout un peuple nu
assis courbé minuscule
dans du mâchefer gris
basculé dans le vide

tu marches sur du russe
comme sur du gravier fin

tu marches sur du russe
comme sur du gravier fin

tu marches sur du russe
comme sur du gravier fin
toute la journée
depuis 42 jours   

tu marches sur du russe
comme sur du gravier fin
tu fais le vide pour diriger
les cordes vocales

il y a plein de pistes
différentes
il y a la voix
off du feu

de la poussière s’échappe
pour gagner du terrain
comme des nuages
dans le ciel

la nuit garde toujours
dans sa gorge
une interprétation
très différente du ciel

c’est tellement
tendre et délicieux
du russe
impacté concassé   
en miettes
en morceaux
en liquide
en médicaments
en bouche
pour guérir
ses obsessions
ses aveux   

ce n’est pas du théâtre
ce n’est pas de la propagande gratuite   
ce n’est pas de la philosophie moderne
ce n’est pas un nouveau concept
ce n’est pas un numéro de cirque
impressionnant   

c’est de l’écriture
proprement dite

est-ce que c’est bon de retrouver
la trace de son père dans la chaux
sur du terrain meuble
où le langage se contorsionne   
comme du plastique tiède   
pour imprimer le nombre de dents
qui  restent encore dans la bouche
des russes face au silence des parents

tu dis
qu’ils n’en peuvent plus
tu dis
qu’il n’en reste plus beaucoup
de russes encore debout   
dans l’aile nord
du bâtiment g à droite
quand la nuit tombe
sur le camp   

tu cherches
des solutions à la fenêtre
des virages
et du coton anglais
pour nettoyer la plaie
sans craindre
des nouveaux soleils

personne ne répond plus
à la fenêtre
ça y est
c’est terminé
c’est fini
les cheveux sont rasés
jusqu’au sang

encore un russe malade
qui vient de tomber
comme une merde
dans la glaise
du camp d’à côté

maintenant il faut
que ça rentre
dans des petites boites
avec des gants noirs
jusqu’au fond   

le bras est bleu nuit
la gorge est encore chaude

quelqu’un cherche
un ballon rouge
pour le mettre
inconsciemment
au-dessus de la tête
d’un russe

il faut alerter des brancardiers
des arracheurs de dents   
des chiens affamés
d’autres russes qui ont faim
pour remplir le ballon rouge
au-dessus de la tête
du russe   

la terre sombre en redemande
chaque jour dans son estomac
du russe broyé tordu
en miettes en éponge
tellement ça pourri bien
dans la terre brune
comme de la pomme acide
du russe

tu dis comme ça
qu’il va quand même
bien finir par passer
dans l’espace plein le russe
avec ses petits os noirs
son manteau gris
ses yeux immenses
comme deux verres d’eau

c’est écrit quelque part
sur un ventre
il fera jour demain matin
dans le camp d’en face
tu dis qu’elle pue la russe
quand elle est trempée
jusqu’aux os

les russes sont comptés
très tôt le matin
dans de la boue déchiquetée
dans du charbon collant
jusqu’aux genoux
oreilles épaules

chacun se retrouve seul
en face de son fantôme

ils tombent comme des mouches
les russes
ensuite ils sont ramassés
comme des grappes de raisins
comme des feuilles rouges
dans un parc nommé plus haut
que la ville ne nomme plus

la ville a honte
la ville est devenue muette
devant le bloc monolithique
où les russes sont enterrés
vivants

il faut gagner du temps
il faut dépasser
la clôture avant
20 heures trente

tu longes la grille carrée   
avec un losange turquoise
autour du cou une couleur grise
qu’on donne en fonction
de l’âge et du grade
et des séquelles qu’on inflige
aux russes

sur le corps des russes
on trouve des inflexions basses
un métal accompagné
avec des crampes abdominales   

il y a deux types d’inflexions
l’amibe et le gravier

un russe est un animal mort
comme les autres bêtes   
il est un animal russe
utilisé   

il y a deux types d’inflexions
l’amibe et le gravier

il n’y a pas de distinction sociale
de race de religion
de savoir vivre
de distance à avoir
avec les russes

un russe reste un russe
un animal mort   
il faut le laisser pourrir vivant
dans des fosses
et des troènes en fleurs
c’est la banalité du mal russe
au quotidien dans les camps

le vent a soufflé
d’un seul coup
dans un ballon rouge   

une 126 acculée dans du sable
et des cheveux rasés
un enfant pourpre reste dans les bras
de sa mère déchiquetée
par des insectes et des outils
en haut d’une dune
ou d’une colline

il y a trois personnages devant toi
qui se sont absentés du bureau
des renseignements qu’on donne
uniquement aux russes pour falsifier
avec des croix des a v c contraires   
aux ordres qui ont été donnés
ce matin aux russes

des carences alimentaires
de l’eau bouillante
une colline rouge
face à des administrés silencieux
en train de jouer à la roulette russe
dehors

c’est terrible et nécessaire
pour les ours et les porcs
les russes   

une balle sur 6 ça fait
le nombre exact de russes
tombés dans la minute 30
ou tu respires du silence
dans un langage perdu
une oreille bousillée
une case

le vert c’est pour la petite distance
qu’il reste à faire seul dans le
brouillard au petit matin   

le blanc tendu dans le ciel bleu
c’est pour oublier
d’avoir été un bon russe
un bon fils
un bon soldat
un père
une belle pute

un fil de fer barbelé
oublié dans la peau d’un cheval
entre un trou et un rail de chemin de fer    
retourné par des ongles à vif
c’est ça le nouveau langage
des russes    

le vert c’est pour la distance
qu’il reste à faire dans la forêt
quand il fait nuit noir
c’est le silence
des ours et des porcs
que tu n’entends plus   

il faut insérer ta bouche
au fond de l’eau
pour penser tes blessures
comme une sensation
photographique
laissée dans les organes
masculins des russes    

on te dit calmement d’insérer ta bouche
dans le trou sans lever la tête
sinon ton cou va se casser en deux
comme de la craie blanche

le blanc c’est pour
zéro à 150 grammes de pain
pour neuf semaines

le blanc c’est pour oublier l’avenir
immédiat et délicieux
des sondes crurales retenues
dans le vide où le soleil coule
dans un liquide gras
injecté dans le pied droit d’un russe

le pied reste le meilleur endroit
au monde pour prendre du muscle   
dans un russe des poches de sang
du papier lisse pour écrire dessus
l’histoire de l’homme
de la peau d’abat-jour pour peindre
la mémoire des russes
tendue dans le ciel
par l’extraction des vents   

quand tu n’existes plus
tu
es partout

tu restes à la fenêtre
tu
 restes collée jour et nuit 
dans le visage d’une russe

chacun se retrouve seul
en face de son fantôme

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A Juliet

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